Maman appelle Frédéric « viens c’est l’heure de prendre ton bain ». « Non, tout à l’heure, je veux jouer encore. » Il y des soirs où maman est moins patiente. Son « viens tout de suite, je ne t’attendrai pas » annonce une bataille de mots et peut-être de gestes qui ne font l’affaire de personne. Mais voilà. Deux volontés s’affrontent, et la partie n’est plus sous le signe de la coopération et de l’entraide.
D’une réaction à l’autre, les cris, les larmes et la frustration de part et d’autre ne peuvent amener le résultat que tout parent attend légitimement de son enfant : qu’il apprenne à se conformer aux consignes familiales, et si possible, de façon agréable pour tout le monde. C’est pourtant essentiel au développement social de chaque enfant. Si le mot « obéissance » a parfois mauvaise presse, il reste évident qu’apprendre à obéir à ses parents est la base de tout le processus de socialisation de l’enfant.
En apprenant à écouter et à respecter ses parents, l’enfant se prépare à accepter les inévitables règles et consignes qui jalonneront toutes ses relations et activités en société. Ce passage obligé durant lequel l’enfant apprend à obéir aux consignes familiales l’aident de plus à se structurer et à façonner sa personnalité.
Comme parents, nous sentons combien ce rôle de mère et de père éducateurs est important. Mais combien pesant ce rôle peut-il devenir certains soirs, ou avec certains enfants, ou encore dans certaines périodes du développement de nos petits! Car enfin, pourquoi ne vient-il pas tout de suite? Comment m’y prendre pour qu’il m’écoute sans ces batailles stériles? sont des questions redondantes dans la tête et le cœur de tout parent à un moment donné.
Il existe un élément clé qui peut faciliter cette tâche aussi difficile à assumer pour les parents qu’à accepter pour les enfants : accueillir avec compassion ce que vit l’enfant. L’accueillir dans ses maladresses, dans son immaturité, dans son insatiable besoin de vivre avec plaisir le moment présent. Ainsi, lors d’une réaction d’opposition de l’enfant, une réponse comme « je comprends que tu aies envie de jouer encore » donne l’avantage de garder son oreille et son cœur ouverts à nos messages ultérieurs.
L’enfant ne sait pas encore exprimer ce qu’il vit avec les bons mots ou les bons gestes. Il est en apprentissage à la fois pour se définir et pour communiquer, et il est souvent assez malhabile dans les deux ! Quand il perçoit, grâce à quelques mots d’accueil, que son parent éprouve de la compassion pour ce qu’il vit, même s’il ne l’exprime pas de la bonne façon, il risque d’accepter mieux ce qui représente pour certains un défi quasi insurmontable. Car enfin, arrêter la construction de son château lorsqu’on n’a pas suffisamment conscience du temps pour être sûr qu’on pourra reprendre le jeu plus tard, voire demain, c’est la fin du monde quand on a 4 ans!
Nos petits ont besoin de toute notre compassion pour être capables d’écouter, de se conformer, ainsi que pour gérer conflits et frustrations. Quand ils se sentent accueillis dans la difficulté qu’ils vivent, ils sont plus enclins à se confier, à entendre le besoin de l’autre ou à accepter des compromis. Bref, c’est plus facile de rester en relation lorsqu’on se sent écouté soi-même. Ce qui est d’ailleurs vrai à tout âge.
Comment éviter un conflit qui s’amorce, alors que notre enfant réagit négativement à une consigne que nous venons d’énoncer ? Une petite phrase qui met des mots sur sa difficulté, son désarroi, voire son opposition, s’avère dans bien des cas un moyen efficace pour que le conflit ne démarre pas et que notre enfant se conforme à nos exigences sans heurts.
« Je comprends que ça ne te tente pas » ou bien « c’est toujours triste d’arrêter de jouer » ou même « je vois que tu es en train de faire une très belle construction » sont des petites formules efficaces pour sauvegarder une relation constructive entre parent et enfant, à chaque fois que les besoins éducatifs de l’adulte rencontrent la force des désirs de l’enfant.
Par exemple, quand Mathieu a oublié de se laver les mains avant de passer à table, si maman exprime tout d’abord « je vois que tu as très faim » , elle gagne la reconnaissance de son fils qui vient d’être reconnu dans son besoin. Il a trop faim pour penser à se laver les mains. Mais oui, ça arrive à cinq ans ! Bien sûr, maman va ajouter « mais on se lave les mains avant de s’asseoir à table », car la consigne doit être suivie, c’est une certitude. Et il y a de bonnes chances que Mathieu réagisse mieux à l’exigence parentale que si la petite phrase d’accueil n’avait pas précédé la consigne.
Accueillir de quelques mots pour s’assurer de faire suivre nos consignes dans la bonne humeur pour toute la famille ? Pourquoi pas !
Car, on peut s’en persuader, en éducation: